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RML

1 juin 2025

Le printemps est toujours une saison associé, pour moi, à la dépression. Pourquoi ? Je ne saurais le dire.

Mais, je dois constater que, depuis plusieurs années maintenant, avril et mai sont désastreux pour mon moral.

Le printemps 2025 ne déroge pas à cette nouvelle triste règle.

D’abord, je me suis dit que j’en étais responsable. « Tu vieillis, RML, tu es déphasé avec le réel, tu as du mal à positiver, tu vois les choses en noir, etc. »

Ensuite, j’ai essayé d’être plus objectif, et de ne pas me placer au centre, comme tous les manuels de développement personnels te l’apprennent, mais bien de regarder autour de moi, l’état du monde.

Alors ?

Je constate que tout le monde est stressé. Toutes les interactions sociales produites le sont avec des personnes qui, elles-mêmes, sont en difficulté avec le réel. Ce qui ne manque pas de produire des étincelles. L’interaction humaine devient de plus en plus complexe. Et, au sein de cette interaction, se rejoue la crise permanente qui habite désormais les individus. De quoi se réfugier dans une grotte !

Je constate aussi que l’action publique nous présente aussi le reflet de cette crise. Le clivage droite/gauche réapparaît (avait-il jamais disparu ?) mais avec un « embuement » des convictions. La droite n’arrive plus à se dissocier de son extrême, tandis que la gauche est prête à défendre les minorités et les injustices, mais a peur d’être qualifiée de « woke ».

Le « wokisme » est devenu la nouvelle arme créée sur les réseaux sociaux. Tout ce qui est progressiste est « woke », et tout ce qui est « woke » est « radical » et vécu comme un empêchement.

Tout cela pourrait paraître insignifiant si les réseaux sociaux comme Tik-Tok ou Instagram ne poussaient pas leurs algorithmes à brider la diffusion de certains mots, et si la gauche politique ne pratiquait pas une censure indirecte autour de ces mêmes thèmes.

Je m’explique : l’Art et la Culture sont aujourd’hui communément vues comme « élitistes » par la droite et la gauche. La gauche ne s’offusque plus qu’une ministre de la culture de droite n’offre, comme seule vision nationale, qu’une animation culturelle dans les campings. Comment le pourrait-elle ? Ce serait nier vouloir s’intéresser aux classes populaires dont elle prétend être la plus proche. D’un autre côté, la gauche politique propose aussi des « animations culturelles » au niveau local avec comme seule ambition, la distraction. Finalement, elle produit ce qu’elle dénonce, l’occupation du temps de cerveau de libre. Plutôt que de mettre des œuvres de création en contact avec les citoyens et de laisser l’expérience opérer, elle ne voit plus que dans l’expérience culturelle la possibilité du « vivre ensemble ». Ce qui est bien. Le problème, ce n’est pas cette volonté, c’est cette volonté exclusive.

Par extension, que voit-on : des femmes qui ont peur de soutenir dans l’espace public des spectacles parlant des femmes, des gays qui rechignent à diffuser des concerts faits par des drag-queens, des maisons d’édition généralistes qui hésitent à publier de la littérature LGBTQIA+…

Pourquoi ? Parce qu’ils ont peur d’être qualifiés de wokes !

Alors, oui, à titre personnel, je suis déprimé. Oui, ce printemps est anxiogène. Si nos élus eux-mêmes ont peur, que nous reste-t-il à nous, simples citoyens ? Si celles et ceux qui constituaient un rempart contre la vague antiprogressiste ne construisent leurs convictions politiques qu’en fonction de l’opinion publique, quel monde nous attend ?

Enfin, une des dernières choses qui me dépriment, c’est la transformation d’une majorité en minorité sur la question religieuse. Toute la communication, quel que soit le bord politique, se focalise sur une vision de la laïcité qui ne tourne qu’autour des religions. À tel point qu’on arrive à nous à faire croire que tout est un problème de religion. En France, l’athéisme et les non-pratiquants (celles et ceux qui croient ou ont adopté la culture cultuelle d’un groupe sans suivre les injonctions religieuses) sont la majorité. Personne ne parle d’eux. La magie de la communication est parvenue à nous faire croire que ce groupe est une minorité. Inversion, retournement.

Au milieu de tout ça, que peuvent faire les artistes ? De quoi peuvent-ils et peuvent-elles parler ? À quoi cèdent-ils et cèdent-elles pour pouvoir subsister ? Qui prend encore leur vision en compte ? Qui pensent même encore qu’ils sont nécessaires à une société ?

Chaque année, ces questions me taraudent un peu plus et le gouffre ouvert se montre abyssal.

Chaque année, l’art et la culture deviennent un peu plus patrimoniaux, et leur vitalité se montre aux marges, dans la pauvreté. Et le pire, c’est que, malheureusement, un discours réapparaît, celui qui prétend qu’un artiste doit être pauvre pour être considéré comme excellent. Une vision romantique issue du XIXe siècle.

Régression ? Certes.

Et vous voulez que je sois joyeux ?

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