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Un terrible accès de mélancolie

Il y a des jours comme ça où elle vous gagne, cette maladie de la bile noire. C’est sa double étymologie d’ailleurs, grecque et latine, « maladie de la bile noire ». Ce qui porte à croire qu’elle frappe depuis bien longtemps le commun des mortels.

Il fut une époque où on lui donnait même une forme de valeur positive. Être mélancolique constituait une plus-value artistique, un état de méditation noir d’où sortiraient les plus grandes inspirations ! Bullshit !

La réalité s’avère tout autre : on se sent dépareillé, obsolète, insignifiant, improductif, vide, raté, etc. Pas grand-chose de positif.

Ces jours-là, je me dis : « mais qu’est-ce qui te prend d’écrire ? Pourquoi fais-tu ça ? Qui veux-tu épater ? » Bien sûr, je suis incapable de produire la moindre chose intéressante, ce qui contribue à nourrir la bile noire et à la persuader que le constat de mon échec est réel.

Et puis, surgit cette idée — absolument géniale, il faut le reconnaître — de transformer cet accès en concept snob. « J’ai le spleen ». Tout de suite, ça se pose. C’est beaucoup moins pathologique. « Le spleen », c’est beau, c’est classieux, chic, raffiné, voire fringant.

Je vais l’adopter. Et dire, communément, « aujourd’hui, j’ai le spleen… ». Ainsi, personne ne prend conscience que tu ne vas pas très bien. Tu as juste un truc plus ou moins cool. Et qui va passer demain. Alors, les amis ne vous embêtent pas, ils vous laissent digérer votre « spleen » tout seuls… Ils pensent même que vous entretenez cette posture, qu’au fond vous n’avez pas grand-chose.

Et d’ailleurs, qu’avez-vous ? Mystère. Vous aussi, vous vous persuadez que cette mélancolie — car vous connaissez son vrai nom, à vous, vous ne vous racontez pas cette parodie du « spleen » — s’envolera demain, évanouie aussi simplement qu’elle est apparue.

Dehors, il fait gris. Comme dedans.